La vélogistique au service de nos villes

Août 24, 2015

Peu à peu, on les voit conquérir nos boulevards et nos rues((Olivier RAZEMON, La France gagnée par la vogue des « vélos-cargos », Le Monde.fr, 10 avril 2014 http://www.lemonde.fr/mobilite/article/2014/04/10/la-france-gagnee-par-la-vogue-des-velos-cargos_4398699_1653095.html)). De la cantine itinérante (l’équivalent du food truck, le moteur en moins) au jardinier en passant par le crêpier et le plombier, leur panel d’activités proposées est infini. Qui donc ? Ceux qui font du vélo un outil de travail et voient plutôt la vie et la ville sur deux roues. Comme souvent pour les objets porteurs d’avenir, les triporteurs ne sont pas une nouveauté : le vélo conçu pour le transport de marchandises est aussi vieux que l’histoire du vélo elle-même. Dès son invention en effet, la bicyclette est apparu comme un mode de déplacement particulièrement efficace pour transporter toutes sortes de marchandises sans recourir à un cheval, à commencer par le pain, le lait et les journaux, mais aussi des objets beaucoup plus massifs. Son utilisation, pour les déplacements ou pour les transports de fret, a connu un évanouissement brutal durant la seconde moitié du XXe siècle avec la massification des modes motorisées, qui a généré la congestion et à la paralysie des villes, et d’autres multiples nuisances sur lesquelles nous revenons souvent dans nos tribunes et articles. Que ce soit pour la livraison des commerces ou pour les courses du particulier, le transport de marchandises en est arrivé à représenter 60% de l’ensemble des trajets urbains((Départements et Régions cyclables, Cycle Logistics, janvier 2013 http://www.departements-regions-cyclables.org/index.php?p=83&ref=126)).

Des enfants à bord de vélos-cargos de type « Babboe » (réputés idéaux pour les familles nombreuses !), à Amsterdam. La taille de la caisse n’a rien à envier à celui d’un coffre de voiture, et dépasse celui des scooters (Source : Wikimédia)

TOUT FAIRE A VÉLO

Dans le même temps, les crises énergétiques, écologiques et climatiques, les projets de taxes sur le transport routier tous azimuts, amènent à s’interroger sur l’inefficacité des modes motorisés pour assurer un transport de masse, tant des hommes que des marchandises. Depuis quelques années, même s’il n’a pas remplacé le camion au pied levé et que son utilisation reste très minoritaire, on recommence à voir les immenses avantages du vélo comme mode de déplacement adapté à de multiples activités, depuis les courses, les livraisons, la distribution du courrier, aux transports de personnes, aux secours, au commerce, en passant par le ramassage des déchets. Avec le ralentissement, la limitation du trafic (et du stationnement) en ville, le transport de marchandises à vélo est donc appelé à exploser, de même que les déménagements, cœur de métier de Myette à Montréal ou de Toutenvélo à Rennes. Car si les villes changent et ont fait de la lutte contre la congestion un de leurs chevaux de bataille, la problématique de la logistique du dernier kilomètre, au bout de la chaîne de distribution finale des biens, perdure – et parfois celle du premier kilomètre…

La Poste est aujourd’hui l’entreprise française qui utilise le plus de VAE (20 000 environ), notamment des triporteurs. Ici, au département technique des véhicules de La Poste, à Nantes (juin 2015)

La fluidité du vélo lui confère une rapidité optimale, débarrassée au maximum des ennuis de délai, qui lui permet de proposer des tarifs de plus en plus concurrentiels par rapport aux coûts rédhibitoires du transport routier et s’adapte aux exigences du commerce électronique. Sous nos cieux cependant, le vélo n’est sans doute pas considéré comme mode de transport à part entière parce qu’il n’est pas vu aussi comme un outil sérieux de logistique. Parce qu’il ne transporte que peu et pas assez : pas assez de cyclistes, mais aussi une somme désespérément infime de nos marchandises. De la même manière qu’il peut encore y avoir un frein psychologique dans l’utilisation courante du vélo pour les déplacements domicile – travail par exemple, transporter des objets plus ou moins lourds et encombrants à vélo paraît à nombre de gens complètement impossible…

L’INVENTION DE LA VÉLOGISTIQUE

Le livre Vélogistique((Marcel ROBERT, Vélogistique, Carfree.fr, 21 décembre 2013 http://carfree.fr/index.php/2013/12/21/velogistique/)), écrit par Marcel Robert et édité par Carfree, prouve le contraire et donne à voir comment, pour toutes sortes d’occasions, pour les particuliers ou les professionnels, le transport de marchandises à vélo est tout à fait envisageable… pour la bonne raison qu’ailleurs, on a déjà tout envisagé ! A l’aide de près de 400 photographies prises dans le monde entier, parfois déconcertantes, souvent amusantes, l’ouvrage amène à reconnaître cette primauté incontestable de la petite reine : elle peut transporter de lourdes et encombrantes charges, jusqu’à plusieurs centaines de kilos, pour une dépense d’énergie minimale, y compris avec une assistance électrique ! Un développement massif du transport de marchandises de vélo par les particuliers ou les professionnels apporterait une multitude d’avantages pour la société : moins de pollution, moins de bruit, moins de consommation d’énergie, moins d’accidents, tout en étant bénéfique pour la qualité de vie, le porte-monnaie, la santé des gens, le climat…  Alors que les pistes cyclables servent invariablement d’aire de stationnement pas forcément provisoire pour les automobilistes en double file ou non, les vélo-cargos, de par leur taille et leur activité, légitiment un espace conséquent attribué aux modes actifs. De quoi faire triompher ce drôle de mot-valise, vélogistique, sur toutes les lèvres et dans notre précieux espace public, que le transport à vélo contribue à libérer.

Notre équipe a évidemment beaucoup apprécié Vélogistique et le recommande, avec une mention spéciale pour les pages sur le vélocube((Vélocube, Carfree.fr, 18 juin 2012 http://carfree.free.fr/index.php/2012/06/18/velocube/)), autrement dit un conteneur normalisé qui peut facilement être transporté à la fois par bateau, par train et facilement se « clipser » sur un vélo de type cargo, ou muni d’une remorque, à la manière des conteneurs traditionnels pour les trains et les camions. Le vélocube permet ainsi d’envisager selon l’auteur une chaîne logistique complète bateau + train + véhicule, plus sobre, pour fournir la très grande majorité de la population urbaine en marchandises. Il participerait ainsi à la renaissance du fret ferroviaire sur les longues distances, suivant l’exemple de la Suisse, grande reine du ferroutage, et des Pays-Bas, où les routes sont largement fluviales et maritimes. Et laisserait au transport routier, le plus opérationnel pour prendre le relais entre les grandes distances et l’intérieur des agglomérations, irriguer les réseaux routiers denses entre les grands ports et les villes de l’hinterland.
Le développement en force de la vélogistique repose toutefois pour l’auteur sur deux pré-requis indispensables : le développement d’infrastructures cyclables de qualité pour laisser passer les engins et le soutien financier et réglementaire des pouvoirs publics. Les problèmes techniques touchant l’équilibrage, la forme du cadre, la solidité des rayons, des jantes, des chambres à air et des pneus sont beaucoup plus secondaires, d’autant qu’un vélo traditionnel peut facilement se métamorphoser en véhicule de transport à l’aide de sacoches et d’une remorque facile à manier. Aujourd’hui, des dizaines d’entrepreneurs lancent chaque année leur activité en faisant le choix déterminé d’un mode d’existence :  travailler quotidiennement à vélo. Comme un effet miroir, ils répondent à de nouveaux souhaits : ceux des personnes qui apprécient l’idée d’être servies à vélo.

L’ÉMERGENCE DES CYCLOENTREPRISES

Dans ce mouvement croissant de la vélogistique, Nantes figure en tête d’affiche grâce à l’action d’un collectif d’entrepreneurs, Les Boîtes à vélo, aujourd’hui au nombre de 22, contre 5 au début de l’aventure. La ville, où la circulation en vélo est devenue en quelques années beaucoup plus agréable et populaire, s’est constituée malgré elle en laboratoire d’idées pour biporteurs et triporteurs de formes et de volumes disparates. Les membres de ce collectif, qui s’assistent ainsi mutuellement et mutualisent leurs prestations, se sont offert une belle visibilité en décrochant le prix Talents du Vélo 2014, que Vélogik avait obtenu trois ans auparavant((Isabelle CORBÉ, Les Boîtes à vélo roulent collectif, Nantes Métropole.fr, 29 décembre 2014 http://www.nantesmetropole.fr/actualite/l-actualite-thematique/les-boites-a-velo-roulent-collectif-economie-emploi-developpement-durable-74317.kjsp?RH=ART_ECONOMIE)). Partout en France, les cyclomessageries, comme Green Course à Nantes, Drop It à Paris ou nos confrères de Becycle à Lyon, se multiplient en livrant en temps records et en flux tendu bons à tirer, plis juridiques, contrats, clefs et disques durs. Contrairement aux fourgonnettes ou aux camions qui peuvent se permettre d’être à moitié vides, ils doivent optimiser les trajets et transporter le plus efficacement avec un espace restreint.
Vélogik n’est pas en reste dans cette dynamique vélogistique : il y a trois ans,deux créateurs d’entreprise, Rémi et Marie, nous ont contacté pour un projet de cantine ambulante, baptisée La Boucle((Voir dans notre page de références détaillées : http://bo9umadxel.preview.infomaniak.website/realisation/la-boucle/)). Le modèle consistait à se doter d’une flotte de véhicule à assistance électrique leur permettant de transporter une grande quantité de plats préparés à partir d’une cuisine centrale située à Villeurbanne. Vélogik leur a procuré des triporteurs spéciaux équipés de caisses hermétiques et de remorques hautes, en restant à l’écoute des besoins d’améliorations techniques pour assurer la continuité et la fiabilité du service. En quelques instants, les triporteurs se transforment en étal de vente convivial et pratique, proposant des plats équilibrés, à base de produits locaux. La Boucle développe son activité en augmentant régulièrement la taille de leur parc tandis que nous assurons la maintenance préventive et l’assistance curative de sa flotte.

Cette pléiade d’initiatives donne lieu d’espérer que la logistique urbaine ne soit plus envisagée comme le parent pauvre dans les réflexions et les actes des élus et des urbanistes. Les métropoles agissent pour une circulation plus sobre et efficace des personnes. Pourquoi les marchandises et les services ne mériteraient-elles la même ambition ?

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