[Scoop] L’avion plus écolo que le vélo ?

Avr 1, 2016

Les pollueurs ne sont pas ceux que l’on croit ! Alors que l’an dernier, le Figaro relatait qu’un vélo électrique fabriqué en Chine polluait plus qu’une bonne vieille Renault fabriquée en France et roulant au diesel, alors qu’Auto-Plus nous apprenait qu’utiliser son vélo était plus émetteur de CO2 que prendre sa voiture, un nouveau coup de masse nous est tombé sur la tête aujourd’hui : bientôt, il sera plus écologique de prendre l’avion que d’enfourcher son vélo. Derrière cette annonce explosive se cache une réalité scientifique désarmante. Un communiqué des représentants de l’aéronautique français, tombé à 9h ce matin, lance ce pavé dans la mare en tenant compte de tous les éléments influençant les rejets de CO2. Cette révélation met à mal le fondement même de nos activités. Bouleversée par cette nouvelle, une partie de l’équipe de Vélogik envisage de démissionner. Gwendal Caraboeuf, un de nos émérites collaborateurs, a même avoué : « Cette fois, le vélo, c’est vraiment has-been ». Récit de cette journée particulière.

Voler… planer dans les cieux, faire comme l’oiseau qui vit d’air pur et d’eau fraîche, d’un peu de chasse et de pêche, mais que rien n’empêche d’aller plus haut, ho, hooo. Voler, ce rêve vieux comme l’humanité, que les temps modernes, de Léonard de Vinci jusqu’aux premiers vols motorisés des frères Wright, ont touché du doigt puis des ailes. Voler a été de tout temps le plus profond et le plus inaccessible désir des Hommes. Ô, effleurer le ciel si proche et si loint… Hm, hm, bref.

Aujourd’hui, ce rêve s’est démocratisé : plus de trois milliards de passagers sillonnent le ciel de notre planète chaque année. Cette massification de l’aviation civile entraîne son lot de conséquences négatives pour cette même planète : une pollution croissante de l’atmosphère, avec des rejets dans les hautes couches de l’atmosphère au moins  deux fois plus nocifs que sur terre, et qui représentent déjà 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre… Faire un aller-retour Paris-New York a aujourd’hui pratiquement autant d’effet sur le climat que de rouler toute une année avec une voiture de taille moyenne ou de chauffer une maison pendant un an. Mais voilà : on ne peut tout de même empêcher les gens de prendre l’avion pour aller passer un week-end de shopping à Londres ! Alors que faire ? Comment rendre réellement propres ces transports collectifs empruntés par de plus en plus d’individus, en particulier grâce aux vols low-cost, à l’absence de fiscalité pénalisante et à l’essor de classes moyennes dans les pays émergents ? Si quelques modèles, ces dernières années, laissaient penser qu’il était déjà possible de transporter un ou deux voyageurs avec une empreinte écologique pratiquement nulle, un modèle capable de faire la même chose pour plusieurs centaines de personnes semblait utopique.

En effet, même si la tendance à la diminution de l’empreinte environnemental de la filière aéronautique est au cœur des préoccupation depuis quelques années, on pensait que l’arrivée de tels avions n’était pas envisageable avant 2030 au plus tôt. Il n’en est rien ! Une technologie mise au point par l’ingénieur Oscar Viñals a été rachetée et développée par des esprits ingénieux d’Airbus pour un de ses prochains modèles transcontinental (autrement dit long courrier), conçu dans le plus grand secret. Car non seulement il serait écologique, mais ce ne serait en outre pas un avion de ligne classique. Il s’agirait d’un supersonique qui pourrait relier Paris-Tokyo en deux heures et demie, Paris-New York en une heure et demie et Notre-Dame des Landes – Moscou en seulement 20 minutes ! Les moteurs de l’appareil utiliseront pour seuls carburants du « pétrole vert » à base d’algues bretonnes et de l’hydrogène, bientôt moins cher que le kérosène. Ils ne rejetteront par conséquent que de la vapeur d’eau, à l’instar des quelques voitures à hydrogène existants. Les énormes ailes, peintes en blanche pour mieux réfléchir les rayons solaires et participer ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique, seront recouvert d’éoliennes et de panneaux solaires de dernière génération. Le constructeur envisage également de recycler l’air en plein vol pour absorber du CO2. Ainsi, les avions rempliraient le même rôle que les forêts ! Incroyable mais vrai !

Une inquiétude vient assombrir pour nous ce tableau d’un futur radieux : ce matin, le communiqué commun d’Airbus, de la Direction générale de l’aviation civile et de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera) – annonçant le lancement de cet appareil – suggère une comparaison inattendue : ce nouvel engin à superstatoréacteurs serait plus écologique qu’un vélo, d’autant plus s’il est à assistance électrique et fabriqué en Chine, où l’électricité est massivement produite grâce au charbon. Comparaison étrange, mais sur laquelle s’étend impitoyablement le texte. Lisez donc : « Un cycliste qui parcourt 100 km, ce qui est le cas de beaucoup de cyclistes radicaux, et qui doit pour cela manger 900 g de bœuf souvent importé du Brésil (le premier producteur mondial) verra son bilan carbone au kilomètre afficher un niveau épouvantable face au passager de ce nouvel avion qui se contente de pousses de soja bio lors de son plateau-repas aérien ! La consommation de viande faite par le cycliste pour assurer le bon fonctionnement de son métabolisme pendant une heure de vélo contribue à émettre 300 kg de CO2, soit 300 g/km… lorsque le nouvel Airbus émettra seulement 270 g/passager/km si l’avion est plein d’amateurs de pousses de bambou, soit 10% de moins que le cycliste. Même si sa conscience écologique interdit à l’intrépide cycliste la consommation de bœuf, il lui faudra ingurgiter près de 2 kilos de tofu à cause de la faible contenance énergétique de cet aliment. Si tant est qu’on aime passionnément le tofu, cela correspond à une dose beaucoup trop importante de tofu pour un seul individu, qui court donc le risque de mourir d’indigestion avant d’avoir pu commencer son trajet à vélo. Enfin, même si le vélo est fabriqué par une entreprise française à partir de matériaux européens, le bilan carbone du passager du nouvel Airbus reste meilleur ». Le communiqué précise encore sans détours : « Cet avion révolutionnaire dotés de nombreuses innovations technologiques marque une nouvelle étape dans l’histoire de l’aviation civile : il a trouvé le point d’équilibre parfait entre puissance de vol et prise en compte des retombées environnementales. Le futur client d’Airbus pourra ainsi voyager confortablement et écologiquement, sans contribuer à émettre les moindres émissions de dioxyde de carbone et de monoxyde d’azote. Et ce avec un rendement beaucoup plus important que le pauvre cycliste, qui n’est in fine pas plus efficace que l’avion pour lutter contre le réchauffement climatique ». Ainsi donc, la vérité se faisait jour… La dénonciation effrénée de la pollution par les écolos-bobos promoteurs du vélo que nous étions ne pouvait masquer une dure réalité : les nouveaux avions allaient être au ciel ce que la Peugeot208BlueHDI est déjà à la route : un parangon de mobilité durable. Les avions ne seraient plus d’épouvantable machines à émettre du CO2. Ils seraient désormais fabriquées dans des usines aux normes environnementales strictes, aisément recyclables et peu consommateurs en carburant, de surcroît issus des algues ! Bref, les avions deviendront propres demain. Comme les voitures répondant à la norme Euro-6 de chez Volkswagen, hier encore.

Alors que tout le monde reste abasourdi par cette avalanche de chiffres et d’informations, Marie-Odile déboule en Brompton dans les bureaux en sifflotant Ça plane pour moi de Plastic Bertrand. Gwendal finit par réussir à prononcer quelques mots d’une voix éteinte :

– Arf. C’est dur à avaler, et c’est même pire qu’un éditorial d’Auto Plus. Mais puisque c’est comme ça, je pars en week-end.

– De quoi, comme ça, un vendredi matin ? C’est la fête ici ! Et pourquoi donc ? demande Marie-Odile en se servant du thé.

– Je vais faire un trip à Amsterdam, voir comment ils vont prendre la nouvelle là-bas. Je file à l’aéroport.

– Hein ? Tu prends l’avion pour aller voir des gens faire du vélo ?

– Ben pourquoi pas ? De toute façon, si l’avion devient plus écologique, on va être obligé de se repositionner. Voilà tout.

Quelques minutes après, une réunion de crise rassemble en urgence tous les collaborateurs dans la cave mystérieuse de l’agence. Nous nous contentons de vous en livrer quelques extraits évocateurs sur l’état psychologique de nos collaborateurs suite à l’annonce de cette fracassante révélation.

– Bien, je vous ai demandé de nous réunir face au caractère extrêmement préoccupant de cette infor… commence solennellement Franck.

– Quelqu’un a vu mon paquet de biscuits au chocolat et mes mandarines ? Je croyais les avoir laissés sur l’étagère de la salle de repos, s’exclame Luc, notre juriste, en descendant l’escalier.

– L’heure est grave, Luc, ce n’est pas le moment de penser à manger.

– Si plus personne n’a faim dans cette boîte, c’est qu’il y a un gros problème. Me dîtes pas qu’il s’agit d’un nouveau marché avec un défaut d’allottissement ?

– Nan, répond Vincent en lui tendant le communiqué. On vient d’apprendre que les avions polluent moins que les vélos. Airbus a inventé l’avion plus propre que propre. C’est ce qui est écrit dans un communiqué publié par le site du magazine L’avion écologique.

– Vous rigolez ? De l’intox tout ça ! Les chiffres sont calculés au kilomètre et impliquent des présupposés assez douteux…

– De toute façon, la Ministre de l’environnement elle-même a confirmé l’info à la radio. On est cuit.

– Merde alors. Et moi qui croyait que le vélo était le véhicule le plus écologique au monde. Mon éthique professionnelle est bafouée. Summum jus, summa injuria, et je m’y connais. De facto je démissionne.

– Tu peux pas démissionner, t’es stagiaire, fait justement remarquer Vincent. A moins qu’il y ait une nouvelle loi qui stipule ça.

– La loi ne stipule pas, elle dispose. Et si on montait un collectif pour coller un procès à Airbus pour diffamation à l’égard des fabricants de vélos ? Même un communiqué pourrait relever de l’article 29 de la loi du 29 jui…

– Silence, les comiques. Au fait, ils sont où ces messieurs de la comm’ ? interroge Franck en regardant autour de lui. Sont jamais là quand on en a le plus besoin, ceux-là !

– Ben, Gwendal est parti en week-end prolongé et Sébastien est en Bretagne comme d’hab. Mais j’ai vu qu’il était connecté sur Skype, et c’est pas rien.

En désespoir de cause, Franck décide d’appeler Sébastien.

– Allô, Sébastien ? Écoute, je t’appelle parce qu’on est en réunion de crise, là, et on voulait savoir ce qu’il convenait de faire au sujet de cette histoire d’avions éco…

– Ouais, j’ai vu ça, soupire Sébastien. C’est trop la hass, mais bon ça va être opé au calme, les gens. Justement, il y avait une chute du reach en ce moment sur nos pages. Il me manque quelques insights de la bike community pour bien capter l’affaire, elle a pas l’air d’être dans les trending topics pour le moment. En tout cas, on va le faire sharer !

– Hmm, bon. Qu’est-ce qu’il a dit, là ? demande Franck à l’assemblée en levant les yeux.

– Laissez tomber, vous êtes trop restés 1.0 ! Je dois aller poster à mort, faut que je vous laisse. On se recapte ! Enjoy les vélogeeks !

La discussion Skype étant écourtée, tout le monde réfléchit. Après quelques instants de silence, Franck lance :

– Bon. Envisageons les choses sereinement. Ma position est que nous devons adopter une nouvelle stratégie. Faut se reconvertir dans la gestion de flottes d’avions en libre-service dans les cinq ans à venir. Je pense, pour être précis, à une solution satisfaisante qui ne remettrait pas en cause notre savoir-faire : la gestion et l’exploitation de petits aéronefs électriques. Mais oui ! Des avions personnalisés à hydrogène, en somme, pour les trajets de moins de cinq kilomètres dans les villes : c’est ça le futur ! N’importe qui pourra les louer en agence, à la demande, sans avoir besoin de brevet de pilote. On lance ce nouveau type de service à Grenoble avec comme nom commercial Métrocoucous ! Gros carton en perspective. Ça va révolutionner la mobilité. Tout le monde sur le pont… enfin, sur le tarmac, je veux dire. Branle-bas de combat. On n’a pas le choix : soit on fait ça et on se rebaptise Aérogik, soit on plie bagages.

– Il est sérieux ou un casque lui est tombé sur la tête ? murmure Luc à Pauline.

– Heureusement que Jérôme est pas là le vendredi, songe à voix haute Vincent, parce qu’il va falloir repenser complètement la politique de responsabilité environnementale maintenant qu’on va gérer des parcs d’aéronefs. Mais si l’on regarde le côté positif, au moins on va pouvoir aller au congrès Vélocity tous les ans sans scrupules, même si ça a lieu en Nouvelle-Zélande. Et ça, ça envoie du rêve.

– Bah, ça servira à rien, si on s’occupe plus de vélo, objecte Pauline.

– Ah, ouais, très juste. En y réfléchissant, peut-être même que Jean-Luc Moreau d’Auto-Plus avait raison au sujet des voitures écolo l’an dernier. Si c’est le cas, c’est vraiment une foutue journée…

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